Corps allongés, tordus dans le petit matin
Couvertures rejetées, bras et jambes cassés
Autonomes
Cheveux de femme épars
Figures humaines calmées
Par le sommeil salé
A l’écoute des vagues, sur la plage, clairsemées,
Des dépouilles vivantes
Qui sont comme des cadavres
D’une bataille nocturne
Dans la nuit agitée les hommes aux long cheveux
Les filles jeunes et belles
Autour des feux de joie
Regardaient gravement les flammes crépiter
Buvaient mangeaient, jouaient
Une musique rythmée
Aux sons de tambourins des pétards
Dérisoires
Se droguaient, se saoulaient
Pour sortir d’eux-mêmes
De leur moi sans espoir
Plus tard dans l’ombre dense
Que les dernières bûches
La mer le sel la lune
Et les parfums iodés
Agitent plus faiblement
Les corps fatigués
Un à uns se couchaient
Dans les dernières clameurs
Parsemées
Des noceurs
Le soleil régulier trouve ainsi
Se levant
Une multitude de corps
Qui cachent leurs yeux rougis
Mais se réchauffent à lui.
La gravure qui est en tête de cette article est d'Henri MICHAUX, Sérigraphie en quatre couleurs, 1983. Extrait de Henri MICHAUX, Les Estampes, 1948-1984, Catalogue raisonné de Rainer Michaël MASON et Christophe CHERIX, Cabinet de Estampes du Musée d'Art et d'Histoire, Genève, 1997.