Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Présentation

  • : BenBlog
  • : Ce site / blog artistique et ludique a pour vocation de présenter mes productions, et celles d'auteurs invités : livres, poèmes, chansons, nouvelles, expositions, billets d'humeur sur la vie culturelle, politique, sociale et juridique, émissions de radion, compositions musicales électro-acoustiques.
  • Contact

Recherche

Archives

25 novembre 2007 7 25 /11 /novembre /2007 09:17
Casper, et l'autre côté du Monde,
                  Conte, par Michèle Rodet
Dora-PROTOULIS-008-copie-1.jpg
illustrations Dora Protoulis


 
1
 
Il était une fois, un jeune garçon nommé Casper. Casper était un petit d'homme, comme vous et moi. Du moins le croyait-il ! Jusqu'au jour où il découvrit le sort bien particulier que la vie – qui a plus d'un tour dans son sac – lui avait réservé ! Tout commença par une histoire d'amour. Quoi de plus banal qu'une histoire d'amour, n'est-ce pas ? Et pourtant…
                                                                  DORA-PROTOULIS-003.jpg
Casper était sorti à vélo. Il adorait faire du vélo, sentir la mécanique répondre au moindre de ses gestes, le ventcaresser sa peau, le parfum des saisons... Depuis qu'il avait douze ans, ses parents le laissaient aller seul sur les routes. Aussi enfourchait-il son vélo comme un chevalier errant son destrier : libre d'aller où bon lui semble.
Ce soir-là, donc, Casper était sorti avec un seul désir : rouler vers le couchant. Pour prendre un bain de couleurs. Car lorsque sa peau se cuivrait, il était un indien peau-rouge, fier et musclé, galopant cheveux au vent parmi les croupes herbeuses des montagnes… Il était un mongol peau d’or au regard perçant, petit mais râblé, chevauchant dans la steppe infinie, faucon au poing !DORA-PROTOULIS-001.jpg
Tout au monde enchanté que le crépuscule lui ouvrait, Casper arriva à un carrefour inconnu. Il freina et posa un pied à terre pour s'orienter et décider de sa route.
C'est là qu'il la vit pour la première fois !
Elle avait la même taille que lui et se balançait souplement sous la brise du soir, la tête tournée vers le soleil… Ebloui, Casper resta de longues minutes, à la regarder, le cœur battant. Soudain, il tourna bride et fila droit chez lui. Il fouilla son placard, trouva le bocal de verre qu'il recherchait, l'accrocha sur son porte-bagages et remonta en selle.
Vite, il retourna au carrefour des Quatre Routes, enleva sa belle, l'installa en croupe et rentra avec mille précautions chez lui.
Aussitôt, il aménagea pour elle une place dans sa chambre.
             DORA-PROTOULIS-012.jpg
 
2
 
Cent fois par jour, il venait admirer l'objet de ses amours. Mais bientôt la douce créature commença à s'étioler. Malgré les tendres soins dont il l'entourait, elle se rembrunit, se referma et perdit de son éclat. Casper s'alarma : peut-être, lui manquait-il quelque chose…? Mais quoi ? Ne lui donnait-il pas tout ce dont elle avait besoin ?DORA-PROTOULIS-006.jpg
Un soir, elle fut atteinte de langueur : sa taille ploya et, sous le poids de sa tête, se courba jusqu'à terre. Lorsque sa peau se couvrit de taches grisâtres, Casper, inquiet, alla interroger ses parents. Mais sa mère se défaussa d'un : « Je n'y connais rien ! », tandis que son père prescrivait : « Tu n'as qu'à l'attacher à un tuteur. » La mort dans l'âme, Casper noua des liens autour du corps de sa bien-aimée. Mais elle ne s'en porta pas mieux.DORA-PROTOULIS-016.jpg
 
Il décida alors d'interroger Clara. Clara était sa marraine. Casper adorait sa marraine. Il faut dire que c'était une fée… Quoiqu’elle pratiquât son art secrètement, ses jeux de mots pouvaient alerter sur sa véritable nature. Et Casper était extraordinairement sensible à son esprit.
Clara l'écouta attentivement et réfléchit.
« Tu vas aller voir Lucien, lui enjoignit-elle. Il te conseillera judicieusement. Mais c'est un magicien et il est difficile à aborder… »
Clara se leva, disparut et revint avec le plus ravissant cygnede cristal qui existât sur terre… Son eau était si pure qu'elle difractait le moindre rayon de lumière en de ferriques arcs-en-ciel. Elle déposa la miniature au creux de la paume de Casper.
« Si sa porte reste close, tu te rendras chez lui après latombée de lanuit. Une fois sa lampe allumée, tu déposeras le cygne dans l'oculus situé à côté de sa porte. Alors tu chanteras à haute voix :
         Printemps vert, mousse et primevère,
                                    Eté blond, soleil et chardon,
Automne or, lis et mandragore,
Hiver blanc, crocus et diamants !
Nouvel an, recommencements !
Et il ouvrira sa porte. »DORA-PROTOULIS-004.jpg
 
3
 
Aussitôt, Casper se rendit chez Lucien. Mais il eut beau frapper et appeler, la porte resta close. Aussi revint-il la nuit, déposa le cygne dans l'oculus dès que la lampe fut allumée et chanta à haute voix :
        Printemps vert, mousse et primevère,
                                    Eté blond, soleil et chardon,
Automne or, lis et mandragore,
Hiver blanc, crocus et diamants !
Nouvel an, recommencements !
A peine eut-il achevé son chant que la porte s'ouvrit ! Lucien bondit sur le seuil en criant : « Clara ! » Il scruta un instant l'obscurité et lorsqu'il aperçut Casper, grogna :
« Qui es-tu ? Que fais-tu là ? Comment connais-tu ce chant ?
- Je viens vous consulter pour une fleur, répondit l'adolescent d'une voix vibrante.
- Et pourquoi ce soudain intérêt pour les fleurs ?
- Je suis amoureux d'une fleur ! Depuis Lundi ! Elle était si belle que…
- Attends ! Attends ! l'interrompit Lucien. Qui t'a envoyé ?
- C'est Clara. Clara est ma marraine. Je l'adore ! Elle a un drôle de sens de l’humour…
- Je sais, je sais… murmura Lucien. Rentrons. »
Casper pénétra dans le laboratoire de son hôte et, une fois assis, poursuivit :
« Je m’appelle Casper. Quand Clara m'a offert mon vélo, elle m'a dit : "Avec un tel coursier, tu pourras aborder l'autre côté du monde ! Désormais, je t'appellerai Casse-peur l'Explorateur !" Sur le coup, je n'ai pas fait attention : j'étais tellement excité et impatient d'essayer mon vélo… »
 
Saisissant alors toute la poésie qui présidait à leur rencontre, Lucien interrogea Casper :
« Dis-moi : Qu'est-ce qui arrive à ta fleur ?
- Je crois qu'elle est malade…
-         Et si tu me racontais toute l'histoire, depuis le commencement ? »
Casper se confia à l'oreille attentive de Lucien, cependant que le magicien ponctuait son récit de petits gémissements et de froncements de sourcils. Lorsque l'adolescent se tut, il grommela : « Comportement de cosaque…! Toute une éducation à refaire ! »
 
4
 
Il est vrai que Casper avait encore bien du chemin à parcourir.
 « Et ta fleur, que dit-elle de tout cela ? interrogea Lucien.
- Mais ?! C'est une fleur ! rétorqua Casper, elle ne parle pas !
- Voyez-moi cela : elle ne parle pas ! ironisa Lucien. Elle ne parle pas ou c'est toi qui n'as pas eu les oreilles pour l'entendre ?
Casper en resta coi.
- Comment s'appelle-t-elle ?
- C'est un tournesol, DORA-PROTOULIS-007.jpgrépondit Casper avec un soupçon d'hésitation.
- Tournesol est le nom de sa famille. Mais son prénom, quel est-il ? insista Lucien.
Casper se tut.
- Et lorsque tu l'as déracinée, lui as-tu demandé son avis ? Etait-elle d'accord pour être enlevée aux siens ? D'accord pour vivre isolée chez toi ? D'accord pour habiter dans une maison, sans air et sans soleil ? D'accord pour que ses racines soient emprisonnées dans un bocal ? D'accord pour …
- Assez ! intervint Casper rouge de confusion. J'ai compris ! Je me suis comporté en barbare ! »
Il ramena ses genoux contre sa poitrine et couvrit son visage de ses mains.
« Les fleurs parlent. Elles chantent plutôt : il émane d'elles comme une musique. Ecoutes-moi bien, petit : les fleurs aussi ont une âme. Si les fleurs n'avaient pas d'âme, elles ne tomberaient pas malades… La maladie est le langage que les êtres vivants emploient pour exprimer combien un manque de respect les a affectés. Tous les êtres vivants ont un corps, une âme et un langage. Et sont sensibles à la douleur, la souffrance, l'affection et la joie. Comme toi et moi. »
Casper, consterné, marmotta entre ses doigts :
« J’ai manqué de respectDORA-PROTOULIS-007.jpg envers ma fleur. Elle doit me détester maintenant.
- Elle ne te connaît que masqué, remarqua Lucien.
- Masqué ? interrogea Casper désarçonné, en découvrant son visage.
- Oui ! Lorsque tu es arrivé chez moi, tu portais encore ton masque de barbare arrogant. Or à présent il est tombé : ton visage est nu. Peut-être ta fleur y sera-t-elle sensible ? »
 
5
 
Casper aperçut alors, au loin, l'autre côté du monde. Bien qu'il vît aussi les gouffres qui l'en séparaient, une lueur d'espoir s'alluma en lui.
« Voudrez-vous m'aider à apprendre le langage des fleurs ? » demanda-t-il à Lucien en se levant. Ravi, le magicien acquiesça en raccompagnant son visiteur.
Casper roula, à la lueur de la lune, jusqu'au carrefour des Quatre Routes. Il s'assit face au massif de tournesols et veilla, là, longtemps, les oreilles grandes ouvertes. Au plus profond de la nuit, il rentra chez lui, prit une pelle ainsi que sa bien-aimée et s'en retourna au lieu où elle avait grandi. Il y creusa un trou - en préservant les racines de ses sœurs – et la replanta. A l'aube, il rentra chez lui, l'âme en déroute et les larmes aux yeux. Il se coucha et, malgré son chagrin, s'endormit le cœur léger, sûr qu'il était d'avoir eu les oreilles pour entendre sa fleur.DORA-PROTOULIS-006.jpg
 
C'est ainsi que Casper reçut sa première leçon de magie. De nombreuses suivirent. Souvent, à l'heure du couchant, il filait au carrefour des Quatre Routes. D'abord, il ne fit qu'écouter de loin le subtil ramage des Tournesol. Peu à peu, il s'en approcha. Puis il s'enhardit et se risqua à leur parler dans leur langue. Naturellement, cela les fit beaucoup rire car son accent était vraiment fantaisiste. Mais cela les toucha aussi : il était le premier humain à faire l'effort de les aborder ainsi.
Sa fleur recouvra peu à peu sa santé et son éclat. Et un soir, elle accepta de lui parler et lui souffla son prénom : do la ré sol doDORA-PROTOULIS-010.jpg.
 
Lorsque Casper atteignit l'âge d'homme, il devint magicien. Il allait et venait librement de chaque côté du monde. Bien qu'il n'ait put combler tous les fossés de son ignorance – loin de là -, il vécut en bâtissant les ponts nécessaires pour vivre heureux et en harmonie avec toutes les créatures qu'il lui fut donné de rencontrer.
Et jamais il n’oublia l’éclatant Anatole : do la ré sol do.
Dora-PROTOULIS-008-copie-1.jpgDora-PROTOULIS-008-copie-1.jpgDora-PROTOULIS-008-copie-1.jpg
Partager cet article
Repost0

commentaires

M
J’ignorais que les accords de musique eussent un prénom ! En tout cas Anatole, c’est parfait. <br /> <br /> D’autant que l’une des significations d’anatolh (anatolê) est « lever du soleil ». Pour une demoiselle Tournesol, c’est particulièrement bien trouvé !
Répondre
B
Anatole: 1 6 2 5 1, soit Do La Ré Sol Do. C'est toujours mieux que le Zorglub antérieur, qui,  je crois m'en souvenir, se prénommais « kazeeqq. h. xe. ».  kazikhachequeceux à tes proches. Keuceuxquirientdenousregardentleursfesses ! Bonjarrètesinoncémoncorrecteurwordkivaexploser !
M
Merci d’avoir publié le conte « Casper… ». Cela me touche beaucoup… <br /> <br /> Côté technique : les notes de musique (représentant un prénom, 2 fois, à la fin du conte) se sont transformées en lettres sur le blog. Est-il possible de remettre des notes de musique à la place de ces lettres ? <br /> <br /> J’ai lu l’annonce concernant Abraham Bengio. Je ne le connais pas, mais ce que tu en présentes me donne grand désir de le découvrir. Je pense que j’irai l’écouter jeudi… <br /> <br /> Côté technique : la partie de texte cité n’est pas visible (« Un tangérois parlant toutes | | Méditerranées… » - versant droit de la colonne), ce qui le rend illisible…
Répondre
B
CE SONT DES LETTRES ABSCONDES QUE J’AI RECU, ET NON DES NOTES DE MUSIQUE. FAUT M’ENVOYER LES NOTES DO RE MI POUR QUE JE LES INTEGRE, AVEC DE LA MUSIQUE ?POUR BENGIO, PERSONNAGE TRUCULENT, JE VAIS FAIRE LA CORRECTION. MERCI