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  • : Ce site / blog artistique et ludique a pour vocation de présenter mes productions, et celles d'auteurs invités : livres, poèmes, chansons, nouvelles, expositions, billets d'humeur sur la vie culturelle, politique, sociale et juridique, émissions de radion, compositions musicales électro-acoustiques.
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16 avril 2007 1 16 /04 /avril /2007 14:58
 

de la Justice aux Nues

(5) Le métier de photographe

 

Etrange et merveilleux métier que celui de photographe.
 
Vous regardez, tranquille, vous cherchez l'angle, la lumière, la merveilleuse lumière.
 
Celle de la vie. Celle de la vitesse constante à trois cent mille kilomètres à la seconde, pardon, à deux cent vingt neuf mille sept cent quatre vingt douze virgule cinquante kilomètres par seconde, merci Monsieur EINSTEIN[1].
Celle d'un clair obscur, au fin fond d'une salle poisseuse d?émotion quand, fatigante audience en fin de journée, un mystérieux rayon vient soudain éclairer la scène. Celle des flics, violemment projetée sur le visage du suspect, comme si la lumière devait le faire accoucher de la vérité. Celle, terne et blafarde, de ce cabinet d'Instruction une après midi de bruine, après cinq heures d'interrogatoire harassant pour tous, le Juge et les Policiers, l'Inculpé détenu et la Greffière, l'Avocat et la Photocopieuse, quand les regards se croisent et se dérobent, quand on est depuis longtemps au-delà de l'ennui, on serait presque en dehors du temps.
 
            Il s'appelait Fabrigo. C'était un homme de cinquante ans, solide comme un roc, grutier de son métier. Il était venu me voir parce sa folle de fille prétendait qu'il  l'avait violée ! Lui, violer sa fille ! Il était un bon père, un bon mari, un bon  grutier, avec trois accidents du travail qui l'avaient rendu handicapé physique, pas facile de grimper à cent cinquante mètres de haut et de manipuler du ciel les matériaux de construction sur les chantiers. Bref, un homme responsable, pas un profiteur !
           
L'ennui, c'est que le magistrat instructeur venait de lui notifier, dans le cadre de cette procédure criminelle, le rapport de l'analyse comparée des sangs. Par  acquit de conscience, car il ne croyait pas lui-même à la culpabilité, il avait fait  faire la comparaison du sang de mon Fabrigo avec celui de l'enfant de sa fille. Et        selon l'Expert, il y avait une chance sur trente millions que Fabrigo ne soit pas le père de son petit-fils ! Une paille !
Il continuait de nier, Fabrigo, contre une preuve scientifique quasi certaine. Une chance sur trente millions. Il s'était, au fil des années, reconstitué une vérité à lui, une vérité lui permettant de vivre avec lui-même. Puis il avait commencé, avec beaucoup de mal, de lenteur et d'incohérence, à dire le vrai au juge.  
           
En sortant du tribunal, titubant, ivre de culpabilité ressurgie, il m'avait dit :
 
-        Je dois prier, Maître, emmenez-moi à la Cathédrale...
 
Prier, lui ? Il pleuvait.
Je l'avais laissé, moi le juif errant, à la Primatiale Saint Jean, avec le souvenir de sa fille et de son fils-petit-fils, avec la loi des hommes, celle de son Dieu, et son inceste brûlant, dans l'obscure clarté consacrée des vitraux, nuit terrible, lumière biblique de viol.
 
                                              ...suite demain...
   

[1] Riad CHAMSEDINE, La Relativité d?EINSTEIN racontée aux Non-scientifiques, Lyon, ALEAS, 2004.

 

 
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