15 avril 2007
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de la Justice aux Nues (3)
Un jeu ?
Mais n'était-ce vraiment qu'un jeu ? Pouvais-je, d'une manière aussi ludique et esthétique, et seulement cela, aborder une matière que je savais bien, par ma pratique, tellement traversée de drame, d'horreurs, de difficulté de juger et d'être jugé, de mensonge des hommes et des institutions, de meurtres odieux ?
Véronique est morte
Véronique est morte
Et il vit
Le salaud
Il vit son assassin
Qui des ses coups de bottes
Pétrifia son destin
Véronique est morte
Véronique est morte
Et le voilà héros
Sur cette scène ignoble
Où il ose être beau
Véronique était morte
Véronique était morte
Et les juges humanistes
Et les experts psycho
Les avocats moirés et les témoins bigots
Ne savent pas pleurer
Ils n'auront que des mots
Langue de bois du droit
Trémolos d'un trépas
Véronique ma fille
Véronique ma fille
Ecartelée voulue
Par un monstre sangsue
C'étaient deux enfants nus
Mais Véronique est morte
Mais Véronique est morte
La fureur meurtrière
Faucha son vol d'oiseau
Quand je parlais du projet, je parvenais sans doute à être le plus souvent convainquant. Avec mes confrères, que j'avais sollicités parce que je ressentais l' envie de les photographier (ils avaient une vraie gueule, elles avaient de la beauté, ou -pardon- ET quelque chose à dire), cela n'avait pas été difficile : j'avais toujours été bien accueilli, je bénéficiait d'une sympathie échangée depuis des années, je flattais leur ego, leur robe était reconnue ailleurs que dans un prétoire. Mais avec les non juristes, j'avais parfois eu plus de difficultés, avec les jeunes surtout, qui me bombardaient de questions et manifestaient une méconnaissance préoccupante de la chose judiciaire.
Ma propre fille Marie Rachel, qui est comédienne et auteur, me laissa pantois parce qu'elle ne comprenait pas, à vingt sept ans, que les témoins doivent jurer de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité, et pas les prévenus, pas les accusés :
- Mais Marie, on n'est plus au temps de l'Inquisition, pas en France ni en Europe ni en Occident, en tous cas que je sache !
La vérité, quelle vérité ?
Je lui rappelais le mot d'un Président de Cour d'Assises[1] susurrant aux jurés, en feignant de s'adresser à moi, et parlant de mon client qui prenait quelque distance d'avec la vérité des faits :
- Maître, le mensonge est un système de défense comme un autre, votre client a le droit de mentir, et nous ne sommes pas obligés de le croire !
Au-delà de sa saillie redoutable et calculée, cet excellent magistrat rappelait deux vérités : le mensonge de celui qui est poursuivi agace, surtout s?il est grossier (on me prend pour un imbécile), mais il ne constitue pas un délit punissable ; le mensonge du témoin, par contre, est une infraction.
Je me souvenais aussi de la question de mon fils Emmanuel me disant, à douze ans environ :
J'avais senti le piège, mais avais accepté son jeu.
- C'est quoi ta question ?
- Papa, est-ce que les avocats ont le droit de mentir ?
Bonne question, bon, il faut faire une réponse compréhensible par un môme, pas si facile...
- Euh, L'avocat est lié par le secret professionnel. La loi lui interdit parfois de révéler ce que son client lui dit. Ta question, ce n'est pas le problème? ou, si tu préfères, il est souhaitable qu'il ne mente pas, mais, bon, parfois il doit se taire...
Il n'avait rien compris du tout, ou il avait compris ce que la vox populi croit comprendre et colporte : les avocats sont des menteurs et des baveux. Ils noient le poisson quand ça arrange leurs petites affaires. Mais le peuple et l'enfant se trompent ici (sauf à avoir politiquement raison et juridiquement tort...) : l'avocat n'est pas à la recherche de la vérité, il n'est ni juge d'instruction ni policier. Il est à la recherche d'une défense. Point barre. La sortie est par là. Ya pas photo quoi !
...suite demain