(344) Le Cancer et l'Atlantique (4) Saintes-Nitouches

Résumé : M. Hublot, mon alter ego, me suggère un voyage. Mais où ? Dans l’atlantique ou à Londres ? Là dessus, un hacker me pirate ma messagerie et raconte à mes amis que j’ai un cancer du foie …

Alors, le cancer ou l’Atlantique ?

Il faut bien souffrir, en ce monde, et terminer sa vie d’une manière ou d’une autre.

Aucun médecin, sauf mon « hacker », mon escroc informatique personnel, n’avait jamais diagnostiqué chez moi le moindre cancer du foie.

Vas donc pour l’Atlantique ! Je commençais par changer le mot de passe de ma messagerie et, sur les conseils de mon cher informaticien de fils, en prenais un nouveau associant lettres et chiffres. Pardon de ne pas vous le donner ici, vous voyez bien que tous les lecteurs ne sont pas, sur Internet et ailleurs, d’innocentes saintes-nitouches.

Le mien, mon hacker au petit pied, m’avait au moins offert un joli luxe : celui de lire des amis dans un espace fort, celui de la maladie et de la mort faucheuse qui rode incessamment. Moment d’affection qui relie les hommes entre eux, minute suspendue d’étonnement, tendresses rares.

Monsieur Hublot, quant à lui, avait trouvé ma réaction plutôt sèche. Au lieu de répondre individuellement à chacun de mes interlocuteurs pour les remercier de leur sollicitude à mon égard, je n’avais rien trouvé mieux qu’envoyer une lettre circulaire générale et impersonnelle, comme le sont les textes de la loi et les imprécation des dieux.

Ce sont surtout des femmes et des artistes qui t’ont écrit, disait Hublot, elles ont été piégées et ont pris la peine de te répondre en exprimant leur émoi, en souffrant pour toi avec ton laser londonien ! Et toi, bien à l’abri des métastases mortifères, plein déjà de je ne sais quels océans mythiques, tu te contente d’un courriel anonyme ? Salaud !

Hublot, ne t’énerves pas. Les femmes et les artistes sont des êtres sensibles. C’est probablement pour cette raison que le pirate les a choisies, en bon psychologue de base qu’il doit être : il a dû faire sa sélection, considérant qu’elles seraient des proies plus faciles. Et je ne vais pas passer mes jours et mes nuits à répondre à chacune, sachant que mon carnet d’adresse comporte cinq mille noms !!

Tu as cinq-mille contacts ?

Mais oui, Monsieur Hublot, je les ai accumulés au fil des années. L’informatique est faite pour retenir, stocker, lister. Et dans cinq ans, je te parie qu’on me parlera encore de mon cancer imaginaire du foie !

M. Hublot n’était pas convaincu, et alla se servir un verre de Contrexéville, car il avait, lui, des douleurs d’estomac…

Moi, je retournais sur mon ordi prendre deux allers simples pour Las Palmas, Gran Canarias, bien décidé à choisir l’Atlantique.

On ne vit qu’une fois.

(Suite demain)