Alexis Cohen, chanteur raté, devient parfois, la nuit, Mortimer Besamemucho. Medium et écrivain, il se tranforme alors en femme et se transporte à Séville ou ailleurs... Il fait des rencontre, imagine des personnages, se joue du temps, des lieux et des dieux. Le tango le happera bientôt...Voici venir le belle Flor...
Il pleut. Depuis cinq jours, il pleut. Le ciel est bas, gorgé comme une éponge. Il fait froid, un froid mouillé, incisif, qui vous boufferait jusqu'à la moelle des os.
Autour de moi pourtant, chacun s'agite, en rajoute. Moi, c'est Flor. Une fleur qui pleure et qui rêve.
En cette fin de journée qui ferait se pâmer d'envie un Louis-Ferdinand Céline, ils sont là, les chercheurs de soleils anisés, les sniffeurs de cannelle et de girofle du vin- chaud. Comme chaque soir, ça prend le large, çà tire des bords, çà fait du vent et cherche un havre et quitte des ports.
Au Colibri-qui-dort, Muguette tient la barre, ancrée là depuis bien avant nos mémoires. Rien à dire sur elle, si ce n'est qu'elle est toujours là, impassible, efficace. Dès le lever du jour, le Colibri-qui-dort se réveille. Entre les petits noirs et les blancs limés, on essaye d'ouvrir le lendemain de la veille, on s'élance, on se pousse, on espère, on renâcle. Muguette navigue de table en table, accomplissant les heures. Le Colibri et elle semblent faire peau commune. Quand la journée s'achève, les lumières s'éteignent, et Muguette retourne à sa nuit.
Moi, je me tiens sur la rive à me demander ce que je fais là. Si elle ne m'avait pas harponnée en bas de chez moi, je serais coucouche-panier-papatte-en-rond-rêver-nonosse.
- Allez, viens ! pas longtemps, boire un verre
- Lâche-moi, j'ai la houle !
- Ben justement, après un petit verre, vogue la galère, et mer belle !
Elle, c'est Bulle. Ne vous y trompez pas en la voyant siroter son thé. Sous ses airs tranquilles, posés, retenus, Bulle, c'est un feu d'artifice, une pinata généreuse. Pas besoin de la pendre et de taper dessus pour qu'elle nous livre ses trésors, sa pétillance. Bulle se nourrit d'étincelles qu'elle recycle en sucreries colorées. C'est un monde cette femme-là, que dis-je, un monde ? Elle universe, elle big-bangue.
Depuis que je l'ai rencontrée à un concert de chants inuits, je la vois négocier le périlleux grand-écart entre magnificence et manque d'assurance. Bulle, c'est comme une supernova qui petite- fourmille.
Ce soir, c'est pas l'jour. Trop d'impacts, de rendez-vous « urgentissimes » où chacun se sent mandaté pour changer la face du monde. La pire engeance, ceux qui pensent qu'ils vont faire basculer de quelques degrés l'axe de la planète. Aucun effort ne doit être ménagé, tout doit être mis en œuvre. TOUT, c'est vous : du mineur de fond au matériaux de base, en passant par la chaîne industrielle. Le produit fini, orphelin de père et de mère, trouve à sa naissance des bonnes fées adoptives.
- Tu sais, Bulle, ce soir je suis en cale sèche, plus je fais des gosses, plus je me sens stérile !
- Tu travailles trop, Flor, tu n'arrêtes pas. Tu vois, ce soir, il a presque fallu que je te kidnappe.
- Et puis ce soir, ce temps de chien, la pluie, le froid ! Il fait un temps à pleurer du tango.
- ... !
- Et d'où vous la tenez, cette expression ? Vous connaissez, le tango ? Vous le chantez ? Vous le dansez, pour pouvoir dire qu'il est triste à pleurer ?
Visiblement, Muguette qui desservait la table voisine, n'a rien perdu de notre conversation. Cela à l'air de produire de l'effet. Elle redresse son 1m60, gesticule, gonfle la voilure. « passion...beauté... », c'est pourtant vrai, qu'elle deviendrait presque belle ! « porter fièrement, totalement, oui, totalement sa personne dans des bras ! ». je n'entend que des bribes. Sa transformation me laisse sans voix. De toute façon, Muguette n'attend pas de réponse, elle est lancée. Ca semble venir de loin, profond. Avec une énergie incroyable, le flot se libère, se répand. Rien ne semble pouvoir l'arrêter.
Pourtant, brusquement Muguette se fige, se raidit, hagarde. Elle jette un regard circulaire sur la salle qui est là retenant son souffle, frotte son tablier de ses petites mains noueuses.
- C'est rien, petite, faites pas attention...
- Je ne...
- C'est rien, je vous dis, des bêtises
- Comme vous étiez belle, en parlant du tango !
- C'est bien loin, tout ça, allez, qu'est-ce que je vous sers, vous reprenez un café ?
Elle nous laisse là, Muguette, isolées Bulle et moi, chacune dans notre monde.
Alors, comme émergeant des brumes, reviennent à ma mémoire des paroles que je croyais oubliées.
Volver...con la frente marchita,
Las nieves del tiempo blanquearon mi sien...
Sentir...que es un soplo la vida,
Que veinte anos no es nada,
Que febril la mirada, errante en las sombras,
te busca y te nombra.
Vivir...con el alma aferrada
A un dulce recuerdo
Que lloro otra vez.
Revenir...avec le front flétri,
les neiges du temps ont blanchi mes tempes...
sentir...que la vie est un souffle,
que vingt ans ne sont rien,
que le regard, fébrile, errant entre les ombres,
te cherche et te nomme.
vivre...avec l'âme enferrée
à un doux souvenir
que je pleure à nouveau...
Lorsque je lève la tête, Bulle me regarde:
- Qu'est-ce que tu chantes ?
- Du tango
- Tu connais le tango ?
- Oui, non, je ne connais pas, c'est un vieux souvenir...un joli souvenir. Une voix douce et grave qui m'apaisait au berceau.
- Comme c'est émouvant ! Que c'est drôle ! Toi qui voulait rêver nonosse, et voilà que Muguette pète un câble et exauce tes souhaits. C'est génial la vie, tu ne trouves pas ?
Hou ! Voilà la Bulle qui s'élance version extase, les yeux pleins de lumière. En général, cela annonce un réveil d'énergie intarissable. C'est comme la migraine, il faut l'arrêter tout de suite, sinon, ça prend de l'ampleur.
- Tu t'allumes, ma belle, mais ce soir, je suis cuite, on en reparlera, si tu veux.
- On se rentre, alors ?
- Oui, on se rentre, ce soir est un soir à rêver le tango.
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Yo adivino el parpadeo
de las luces que a lo lejos,
van marcando mi retorno...
Son las mismas que alumbraron,
con sus palidos reflejos,
hondas horas de dolor.
Y aunque no quise el regreso,
siempre se vuelve al primer amor.
La quieta calle donde el eco dijo:
Tuya es su vida, tuyo es su querer,
bajo el buron mirar de las estrellas
que con indiferencia hoy me ven volver...
Volver,
con la frente marchita,
las nieves del tiempo
platearon mi sien...
Sentir... que es un soplo la vida,
que veinte anos no es nada,
que febril la mirada
errante en la sombras
te busca y te nombra.
Vivir,
con el alma aferrada
a un dulce recuerdo,
que lloro otra vez...
Tengo miedo del encuentro
con el pasado que vuelve
a enfrentarse con mi vida...
Tengo miedo de las noches
que, pobladas de recuerdos,
encadenan mi sonar...
Pero el viajero que huye
tarde o temprano detiene su andar...
Y aunque el olvido, que todo destruye,
haya matado mi vieja ilusion,
guardo escondida una esperanza humilde
que es toda la fortuna de mi corazon.
Vivir... con el alma aferrada
a un dulce recuerdo
que lloro otra vez...
I imagine the flickering
of the lights that in the distance
will be marking my return.
They're the same that lit,
with their pale reflections,
deep hours of pain
And even though I didn't want to come back,
you always return to your first love
The tranquil street where the echo said
yours is her life, yours is her love,
under the mocking gaze of the stars
that, with indifference, today see me return .
To return ,
with withered face,
the snows of time
have whitened my temples.
To feel... that life is a puff of wind,
that twenty years is nothing,
that the feverish look,
wandering in the shadow,
looks for you and names you.
To live...
with the soul clutched
to a sweet memory
that I cry once again
I am afraid of the encounter
with the past that returns
to confront my life
I am afraid of the nights
that, filled with memories,
shackle my dreams.
But the traveler that flees
sooner or later stops his walking
And although forgetfulness, which destroys all,
has killed my old dream,
I keep concealed a humble hope
that is my heart's whole fortune.
To live... with the soul clutched
to a sweet memory
that I cry once again